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Gérard

Les jours heureux

Ma communion à l'église St Thérèse à Bône en 1960

(Gérard Rodriguez)

Je ne me rappelle plus le jour. Mais ce que je sais c'est que...
"Gégé mon fils allez va. Dépêche que on va en ville avant que le soleil y tape pour de bon"
"Oui maman je viens, je viens"

Cet après-midi là, le soleil chauffait et un petit vent chaud nous caressait. Nous allions maman et moi en ville sur le cour Bertagna pour acheter mon costume de communiant. Et elle, la Marie-Louise pour s'acheter une robe et des souliers à talons hauts noirs. Ceux qu'elle avait acheté, ils brillaient tellement que je crois pas que c'était du cuir. Ca devait être du plastic car y brillaient trop au soleil. Mais ils étaient beaux. Je nous revois encore descendre derrière la cathédrale. Tu avais maman un sac noir. Je ne sais plus où nous sommes allés. Dans le coin des arcades vers le cour Bertagna, ce dont je me souviens c'est que tu avais acheté cette belle robe blanche à Grosse fleurs bleu ciel, une robe légère comme une plume, et moi tu m'avais acheté un beau costume gris. Merci maman car on était pauvre. Et je me demande encore aujourd'hui comment toi et papa aviez fait pour trouver les sous, en tout cas je suis là à écrire, 50 ans après, et tu es présente devant moi ma belle Maman avec ta robe à fleurs. Nous sommes revenu à la villa des trois mousquetaires avec la calèche. Je me rappelle très bien tu avais dit "ton père il est au travail, il verra pas que j'ai pris l'argent sur c'qui m'a donné. Aller va! Va! Viens on retourne avec la calèche que moi les pieds je m'les sens plus et la madone de la chaleur aller, viens! Viens! Tiens! Y en a une là. Eh zec ça fait du bien de s'asseoir."

Le grand jour.

Je sais bien moi que le dimanche mon papa et moi on allait à la chasse. Mais ce dimanche là!! Makach la chasse. Je fais ma communion! Dès le matin, ce fut l'effervescence dans la villa. Le traditionnel bain pour moi, et ma mère qui me dit "et frotte bien que tu vas mettre le costume neuf hein!!!". Et puis, il flottait dans toute la villa un air de fête. Mon papa pour les rares fois où je l'ai vu en costume ce fut ce jour là. Ma maman elle, aie aie elle flottait dans sa robe blanche et bleue. Je ne sais pas comment le dire, mais ce jour là maman tu étais belle comme blanche neige. Tu chantais en parcourant les pièces de la maison. Cet air que tu aimais tant "Je t'ai donné mon coeur. Tu tiens en toi tout mon bonheur" et des fois tu disais "bon aller dépêchez vous que le temps y tourne". Je nous revois encore descendre les marches de la villa et partir. Descendre la route de la fontaine romaine, en laissant la ménadia à notre gauche. Descendre jusqu'en bas de la nouvelle ménadia et tourner légèrement à droite pour entamer en face, la route qui monte à St Thérèse. Et de là alors aïe aïe c'était plein de monde, tous habillés comme pour la kermesse et les mariages. Des hommes, des femmes et tous ces enfants de mon âge, qui en aube, qui en costume. Et les petites filles alors, mieux que des mariées. Tout ce monde là allait vers notre belle église. Je sentais de la nervosité dans l'air. Et à chaque groupe que nous croisions aïe aïe les odeurs de parfum, à croire qu'ils étaient tous tombés dans la bouteille.

Arrivés à l'église St Thérèse! Ah la la il y avait du monde, mais du monde. On nous a fait ranger sur le côté droit de l'église. Les filles ensembles et les garçons ensembles, tous et toutes les uns et les unes en file indienne. Gants blancs aux mains nous tenions tous notre gros cierge. Les cloches se mettent à sonner et le curé fait entrer les filles qui gravissent les marches. Quel spectacle grandiose. Et puis soudain alors que j'attends sagement en ligne avec les autres, j'entends mon cousin Michel qui était venu prendre des photos pour les revendre (merci à toi car mes photos de communiant je te les dois), oui Michel qui se met à crier. En me tirant hors des rangs "oh gougoutsse tu vois pas que tia le brassard il est pas du bon côté, regardes, si moi je le vois pas, tu nous fais perdre la figure à tous dans la famille, viens que j't le change!! A regarde tous les autres y l'ont d'l'autre côté!!! Santa Madone!! Aller va va, et sourit que ta mère elle veut que je prends les photos". Alors ce fut notre tour les garçons de grimper les marches. Ah comme nous étions beaux!!! Je revois l'église, noire de monde. Ca sentait encore plus le parfum mélangé. Et au fond le curé qui allait et venait en disant sa messe. Seulement en ce temps là, la messe elle était en latin. Et qui sait qui parle le latin!!! Chez nous!! Alors comme je voulais pas avoir l'air gougoutsse une autre fois, quand je voyais du monde tourner la page du missel alors moi je tournais une page. Mais bon je comprenais rien. Alors avec la bouche je faisais semblant de lire. Hé!!! C'était comme ça. Et puis voilà la messe est finie, on sort tous bien en rangs mais cette fois ci par couples. On avait l'air de mariés, et les cloches sonnaient à tout casser. Nos parents et la famille étaient tous devant l'église jusque en bas les marches y en avait du monde. Ah j'étais heureux et je me sentais fier dans mon costume neuf. Ca change des savates en plastic de chez batta.

Gérard avec le cierge à sa communion en 1960
Gérard dans son costume de communiant

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Soudain il se met à pleuvoir. Aïe aïe une averse bien bien!! Ce fut le sauve qui peut général, j'entendais les mamans qui disaient "vite vite ma fille rentre dans l'auto que la robe, elle va se salir". Et moi mon cousin qui m'avait vu, est venu en courant. Il tenait sur sa tête une grande planche de contre plaqué sur laquelle il affichait les photos pour les vendre et il me dit "vite vite que tu vas mouiller le costume", et avec mon papa et ma maman on s'est tous mit dessous la planche. Et on a descendu la route qui part de l'église jusque dans le virage qui après tourne sur la gauche. On avait l'air de vrais dichpirates. Comme on marchait vite on entendait la planche faire des zingue zingue!!zingue!! En se tordant sur la tête de mon cousin qui la tenait avec ses mains pour pas que le vent y s'la soulève. Et l'averse a cessé, mais le ciel restait gris et menaçant. Nous sommes retourné à la villa, il était aux alentours de 17 heures. À peine rentré. La pluie se remet à tomber avec force et ma maman qui dit "ouille momm!! Regarde ce qui tombe, y tombe des broques. ba ba ba, zec on est arrivé à temps hein!!!". Soudain la grêle se met à tomber alors là je me rappelle comme si c'tait hier, de ces gros grêlons, oui le jour de ma communion des grelons gros comme des oeufs de tourterelles sont tombés. Et ma mère qui d'un coup elle dit "ouille!! Jeannot tia mit la pièce montée dans le garage, elle est juste sur l'établi en dessous la fenêtre. S'a yé hein!! Elle va être toute cassée. Descends pas!! Descends pas!! Tu vois pas c'qui tombe. Tu cherches la mort ou quoi? Eh ben si elle est cassée elle est cassé!! mandge et bive!!!!". Là il a eu un temps mort où on savait pas quoi faire car il était trop tôt pour que les invités du quartier y arrivent, alors on tournait dans la maison. Et moi je tournais avec mon costume et ma mère qui me dit "salit le pas que le monde y le voit hein!!!".

Et puis nous sommes enfin descendu dans le garage où avait lieu la fête. Le monde est arrivé. Moi fier comme Artaban avec mon costume, laisse que je marche la tête haute. Oui j'étais devenu prétentieux. Enfin!! Ma maman avait fait plein de petits pains fourrés, aux oeufs, au thon, à la sardine. Il y avait plein de petits gâteaux sur des tréteaux que mon papa avait dressés pour la circonstance. Et miracle, deux carreaux avaient été cassés par la grêle mais la pièce montée était intacte. C'était une pièce montée toute en nougat. Que ça te collait dans les dents. Mais comme c'était bon. Mon papa avait rangé des chaises tous le long des murs. Des chaises pliantes à barreaux verts. Et mon frère aîné faisait jouer le tourne disque. C'était les chansons de Dalida. Et puis Pépito des Los Machucambos, et les cha cha cha. Aussi, hello le soleil brille, sifflé, et aussi salade de fruits jolie jolie jolie tu plais à ma mère tu plais à mon père. Ah oui on était heureux. Je me suis empifré de gâteaux et pendant que les grands s'amusaient, avec Jean Guy Sultan qui pour l'occasion avait mit lui aussi son costume de communiant même si il avait fait sa communion l'année précédente, nous jouions autour de la maison à courir. La nuit était venue, une belle nuit étoilée, il faisait bon, on respirait bien. L'air était si pur. On entendait les rires et la musique qui jouait dans le garage, les chaises qui tombaient pendant qu'ils jouaient à la chaise perdue où il fallait au moment où la musique s'arrête se trouver vite vite une chaise à grands coups de cul. Et ça riait, et ça riait. Oui je me rappelle de ce ciel le soir de ma communion, remplit d'étoiles, où le temps ne devait jamais finir. Ce temps des jours heureux. Voilà il est tard les gens repartent. La fête est finie.

Finie non!!! Le lendemain et pendant plusieurs jours qui suivirent nous sommes allés chez les voisins montrer mon beau costume et je recevais des cadeaux. Merci Madame Pisani, votre bonbonnière en 2010 je l'ai toujours. Ma marraine m'avait offert une belle montre, mon parrain qui était alors lui vraiment pauvre, une croix en or que j'ai toujours et qui maintenant que j'ai grandi, a encore plus d'importance pour moi car je sais ce dont il a dû se priver pour l'acheter. Et Madame Fiengo la coiffeuse qui habitait juste à côté de chez nous m'avait offert un beau stylo plaqué or que j'ai toujours. Oui le jour de ma communion fut un grand jour. Je sais aussi que nous sommes allé un matin aussi voir mon instituteur Mr Roméo à l'école Beauséjour, pour lui montrer mon beau costume. Et les gens dans la rue me regardaient tellement j'étais beau, je me sentais fier, on croisait des maman avec leur fille habillée, eh! eh! en marié et qui marchaient vite. Même pas y nous regardait elles étaient encore plus fier que nous. Ah là là la figure qu'on avait hein!!! A l'école Beauséjour quand nous sommes entrés dans la classe tous les élèves se sont levé, et Mr Roméo m'avait félicité, ah!! Comme j'étais fier. Je ne suis retourné à l'école que 3 ou 4 jours après, le temps de visiter la famille. Je me rappelle j'avais reçu en argent 3500 ancien francs. Hé!!! C'était de l'argent. Mais cet argent fût pour maman qui en avait grandement besoin.

Le temps a passé, mais aujourd'hui à soixante ans je me rappelle de cette belle journée. Ma communion à St Thérèse. Merci papa, merci ma belle maman. Non à cette époque nous étions tellement entourés d'amour qu'on ne s'en rendait pas compte. Aujourd'hui avec les années qui ont passées, je regarde en arrière. Dans ma mémoire, je revois mon église St Thérèse et cette belle journée de 1960, où je grimpais les marches de ma belle Église. Et je me dis, qu'est ce que j'étais heureux cette journée là. Plus que le costume, plus que la fête, aujourd'hui je me dis j'ai été un ingrat en 1960 car je ne me suis pas rendu compte de tout l'amour que mes parents m'ont témoigné ce jour là. Là, à 60 ans je le vois. Alors merci papa et maman je sais que là où vous êtes vous me voyez. Merci pour ce qui fût. Qui n'est hélas plus. Et puis non cette journée de 1960 je peux la revivre quand je le veux et où je veux. Car il y a la mémoire du temps. Ah oui, quand j'y pense je me dis que, c'était vraiment le temps des jours heureux.

À mon papa et ma maman.
Gégé

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