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Gérard

Les jours heureux

Une promenade en calèche sur le cour Bertagna

(Gérard Rodriguez)

1960, un beau mois d’août, la cité Montplaisant fait la sieste, une douce chaleur mêlée à un petit vent doux. Aïe quelle belle journée diocane!, j’ai à cette époque 11 ans. Et demandez moi pas comment cette calèche, elle est arrivée devant chez nous. Mais à 15 heures voilà que j’entends les sabots du cheval. Clic clac cloc, sur la route, et du balcon je vois la calèche, je me rappelle le cheval il avait un pompom sur la tête, et la calèche de grandes roues de bois cerclées en cuivre qui brillaient de tous ses feux, quel émerveillement pour moi. Il faisait un silence et cela amplifiait encore plus les bruits des sabots du cheval, je ressentais cette promenade comme une grande expédition, j’étais sur le balcon et moi aussi comme ce cheval je piaffais d’impatience et voilà que m’arrive aux narines les senteurs du parfum que ma mère mettait, ce qui est sûr c’est que ça devait pas être du cher car pauvre maman, on avait pas les moyens mais ça sentait bon les fleurs, et puis ma mère j’ai toujours aimé sa robe légère, blanche à grosses fleurs bleu ciel, oui je sais pour les magazines d’aujourd’hui ma maman elle aurait pas fait, même la dernière page, mais pour moi, elle était une reine. Avec trois fois rien car makach wallou le flousse, elle s’arrangeait pour être belle.

Nous partons depuis notre belle villa pour le cour Bertagna. Et voilà la clé est mise dans la serrure et nous descendons l’escalier, en bas le cheval pousse des hennissements, le pauvre y doit crever de chaleur. Nous montons dans la calèche qui sous notre poids se met à se balancer gentillement, on s’installe et par un léger coup de fouet qui caresse, le cheval prends son rythme. Nous laissons sur la droite la maison des Carredu, sur la gauche celles des Fiengo, des Castaldi et nous tournons sur la droite pour descendre la fontaine romaine, je me rappelle sur la droite il y avait de grands cyprès avec de grosses têtes de mort dont on se servait nous les enfants pour mettre dans les stacks, et vlan sur les moineaux. Nous faisons 200 mètres et tournons à gauche au coin de la ménadia, en laissant sur notre droite les mille logements, et en arrière nos belles plages de St Cloud, Gassio, etc et nous descendons à petits trots, ah!!! comme c’était bien, on passe devant les frènes, tourne à gauche et là ça montait légèrement et les clac clac clac des sabots du cheval étaient encore plus sonore, arrivé tout en haut de cette côte je me rappelle, sur la droite on partait vers le cimetière, mais nous nous tournons à gauche et attaquons un grand boulevard dont j’ai oublié le nom, mais que je le vois dans ma mémoire comme s’il était devant moi, alors là, le cheval accélérait et moi je faisais Hue hue hue!

Quelle belle promenade, ma mère avait l’air radieuse, elle arrangeait sa robe, se passait les mains dans les cheveux, par contre elle était toujours pensive, il est vrai que en ce temps là on roulait pas sur l’or, belle maman à quoi tu pensais, parfois je me dis que j’aurai aimé être plus grand et je t’aurai protégé de tout et je t’aurais rassuré, mais voilà j’étais petit. Nous voilà à continuer on arrive dans un coin sur ce boulevard où il y avait beaucoup de petits pavillons tous étaient cachés derrière des haies de fleurs, il y avait beaucoup d’hortensias et en cette belle journée d’été, tous les parfums de ces fleurs se rendaient jusqu’à nous qui étions installés dans la calèche, oui Bône tu étais une belle ville, propre, et heureuse.

Du bonheur à l’état pur, nous tournons sur la gauche et nous passons devant un cinéma dont j’ai oublié le nom. Nous continuons, et à un croisement nous laissons sur notre droite la préfecture, superbe beau bâtiment. Je me rappelle que en le regardant du haut de mes 11 ans je le trouvais bien fait. Des lignes Carrées, je le sentais solide, pas de doute notre belle ville de Bône était assise sur du roc, je ressentais une puissance et surtout oui je me rappelle je me sentais chez moi comme si notre race était là, depuis l’éternité.

De temps à autre ma maman sortait de son sac à main une bouteille d’eau et buvait comme un grognard, pas de chiqué, quoi!! elle était à son aise. Elle me disait "t’ien veux pas un peu" et moi je disait non avec la tête, je regardais à droite à gauche. C’était magnifique la promenade en calèche, et puis clac clac clac, on arrive sur notre droite, à la grande poste. Là, au bout de cette rue on tournait à droite puis à gauche et voilà que s’ouvrait devant nous le plus célèbre des cours, le cour Bertagna. Car le cour Bertagna à Bône c’était une perle. on prenait sur la droite, il y avait sur la droite l’hôtel d’Orient, et là commençait le plus beau de la promenade, car on faisait tout le tour du cour, comme ils étaient beaux tous ces arbres du cour Bertagna. Parfois je voyais de petits kiosques où on vendait des créponets. Et tiens tiens, voilà le grand kiosque à musique.

Or donc on continue et on passe devant les galeries de France, je me rappelle une fois, aux galeries de France à un concours du plus beau bébé on avait présenté ma petite sœur et c’est vrai je vous le dis qu’elle était belle, avec sa robe bleu ciel en velours, on était sûr de gagner, quand on a vu dans le journal de la dépêche de l'Est. Le bébé qui avait gagné, pou!! pou!!! laid comme un poux et à moitié tchigatte, non je vous le dis c’est pas possible, ce concours là il était truqué, bref on arrive en bas le cour, et à droite il y avait les arcades. En face de nous ça menait à la gare des trains. Un peu plus à gauche notre joli port et en arrière l’usine à gaz ou travaillait Jeannot, mon papa, le roi des chasseurs de sangliers. Nous tournons complètement à gauche et encore à gauche. Pour arriver, devant la mairie, où le voyage se terminait et je me rappelle à chaque fois, je disais à ma mère, "oh non pas déjà", et elle me disait "allez!! allez!! va mon fils, descends qu’on va marcher sous les arcades que le soleil y me tape sur la tête" et oui là il y avait des arcades avec plein de magasins, on allait chez batta, acheter des chaussures, il y avait des arabes avec de petits stands qui vendaient des cacahuettes et des loupines. Ma mère nous en achetait et je me rappelle les loupines on les tenait avec deux doigts. On les mettait entre les incisives et on faisait sauter la peau que l’on crachait, pteuff!,pteuff! par terre.

Moi en 1954 sur le cour Bertagna pour les rameaux.
Le cour Bertagna en mars 2010.

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Je me rappelle il y avait pleins de monde sous les arcades, une vrai fourmilière, ça se croisait dans tous les sens, et parfois oui il y avait de l’autre côté de la mairie, pleins de calèches à l’ombre des grands arbres et bien à l’abris sous leurs feuilles, oui, qui attendaient en ligne le client. ça sentait fort le crotin de cheval, mais non, ça sentait bon la nature, toute cette ckaoulade, ces senteurs, de cacahuettes, loupines, cornet de gitanes, crotin de cheval, c’était le cour Bertagna, ajoutez y les parfum des demoiselles qui arpentaient le cour sur leur haut talons avec leurs robes légères, au dessus du genou, et qui riaient, que c’était beau, le temps de l’insouciance, de la joie de vivre toute simple, des fois on descendait les arcades jusqu’au port et on allait voir les pêcheurs, leur filets séchaient au soleil et ces vieux pêcheurs, avaient le corps et visage buriné par le soleil, mais quand j’y repense, ils étaient calmes, je les sentais sans soucis, ni problèmes, je les sentais heureux de vivre, surement qu’ils étaient pauvres mais la richesse ce n’est pas l’argent. La richesse on la possédait en vivant comme nous vivions à Bône.

Non la vie a bien changée depuis et pas pour le mieux, où es tu ma promenade en calèche, oui, tu es là, dans mes souvenirs, tu vois, belle calèche, à 60 ans je pense encore à toi, tu es en moi, et tu fais partie de moi, tes roues qui tournent sur le pavé des rues de Bône, les clac clac clac de ton cheval, les odeurs du crotin, oui je les sens et je t’entends comme si j’y suis. Aujourd’hui quand j’ouvre cette télé abrutissante qui veut me faire croire par des pubs stupides, idiotes et dégradantes, que ce qu’elle me montre, c’est cela le bonheur , pauvre couillons de publicistes, je vois bien que y ont jamais fait une promenade dans notre belle Algérie, à Bône, en calèche, au mois d’août, avec ma maman Marie-Louise et sa belle robe à fleurs bleu, dans le temps qu’on était heureux, oui, oui oui, c’était les jours heureux.

A suivre

Gérard

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