L'espace des villes
(Ode Pellissier)
Aucune fêtes n'étaient oubliées!
Les rois, maman nous préparait des grosses couronnes en pâte briochée qu'elle dorait au jaune d'oeuf et qu'elle recouvrait de fruits confits. Sans oublier, la fève, une vraie fève!!!
La Chandeleur, papa faisait sauter les crêpes, en tenant dans sa main la queue de la poêle, queue qu'il avait entouré de billets de banque. On disait que cela portait bonheur et qu'on ne manquerait pas d'argent...
Le vendredi saint... Moi, surtout je me rappelle qu'il ne
fallait pas chanter!
Ma mère disait:
- On ne chante pas, ce jour là....
Avant Pâques, c'était le grand nettoyage... Cette coutume
vient des Juifs, qui avant leur Pâques nettoient tout à fond, car il ne
faut pas qu'il reste la moindre miette de pain au levain!
Pâques, toute la famille se réunissait pour le premier pique nique de
l'année, soit au bord du lac de Djebel Ouach, soit à Philippeville à la
plage de Stora ou Jeanne d'Arc. Et, c'était notre premier bain de mer,
l'eau était fraîche mais quel plaisir ce premier bain!
Les Rameaux, nous les enfants, nous allions à la messe, tenant fièrement notre rameau fait de branches avec des plumes bleues ou roses d'où pendaient des friandises.
Mai, mois de Marie, la sainte Vierge, c'était les communions
solennelles. Nous avions nos belles robes en organdis blanches avec un
voile accroché à nos cheveux. On était folle de joie car le premier
jour, on recevait de nombreux cadeaux! Là! Aussi, toute la famille
était réunie.
Le 8 Mai.
La Saint Jean, avec de grands bûchers et le bal...
Le 13 Juillet.... Mon anniversaire... Cela compte....
Le 14 Juillet, tous nos balcons et fenêtres étaient pavoisés de nos beaux drapeaux, Bleu, blanc, rouge... Nous étions tous (en ce temps là!) très patriotes!
Tout l'été c'était les sorties bord de mer, des heures dans
cette eau turquoise et chaude. Des piques niques sous les cabines à
l'ombre... et comme consigne "Ne pas se baigner avant la fin de la
digestion"....
Chez nous, tous les jours très tôt, maman mouillait tous les sols et
fermait toutes les persiennes afin que la chaleur ne rentre pas!
"Sieste" obligatoire! Allongés sur notre lit, souvent on entendait:
Figues de barbaries... Figues de Barbarie.
Maman prenait un grand saladier et descendait nous acheter des dizaines
de ces fruits juteux... Miam!!!
L'ascension, encore un grand pique nique, très surveillés par
nos parents car c'était un jour ou il y avait de nombreuses noyades...
Enfin c'est ce qu'on disait...
Puis on préparait la rentrée des classes...
Le premier Novembre, nous pensions à nos êtres chers qui nous avaient quittés et les cimetières se garnissaient de milliers de couleurs...
Le 11 Novembre, défilé etc...
Décembre, notre appartement se garnissait de guirlandes, le
sapin remplaçait dans un coin de notre chambre, la machine à coudre.
Papa installait notre grande crèche avec de grands santons, chameaux,
gros éléphant, moutons et même des poules, coqs. Le décor derrière les
montagnes que papa avait peint était épinglé au mur. Maman, nous
faisait des oreillettes et des dattes farcies à la pâte d'amandes.
Nous n'avons plus le droit d'ouvrir les armoires!!! Nous avions des
secrets à cacher!!!
A l'après guerre, papa fabriquait nos jouets, petite épicerie avec ces
bocaux de bonbons de toutes les couleurs, une cuisine où il y avait
même un petit balai fait avec une brosse à dents. Une ferme en bois, où
notre chat aimait s'y cacher!
Le soir, on soupait simplement, oui, j'ai bien dit souper...
"Là-bas", le matin c'était le déjeuner, midi le dîner, le soir le
souper, pourquoi? Je ne sais pas, manarfe comme disent les arabes!!!
Et, maman disait:
- Au chloff!!!
Mot sûrement dérivé de l'Alsacien... du verbe dormir.
Le matin très tôt, on frappait à leur porte... Ils faisaient semblant
de ne pas nous entendre et nous nous trépignons d'impatience. Puis, ils
ouvraient la porte et nous nous précipitions sous le sapin. Nous avions
deux cadeaux chacune... Mais quelle joie... A l'heure actuelle nos
enfants ont des dizaines de cadeaux, qu'ils ouvrent brutalement pour
passer au paquet suivant...
On sortait sur nos paliers pour montrer nos cadeaux aux enfants voisins.
Il ne faut pas oublier la petite souris qui nous portait soit une pièce soit un joujou... quand nous perdions nos quenottes...
Et, nos anniversaires, fêtes, baptêmes, mariages et nos enterrements.
Oui, aucune fêtes n'était oubliée...
NOUS ETIONS HEUREUX
Extraits du livre "Une pieds noirs parle aux pieds blancs" d'Ode Pellissier