L'espace des villes
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(Jacques Mariot)
Cette histoire s'est déroulée en Algérie, le 20 janvier 1982, dans un lieu-dit "Les Cheurfas", petit douar situé en plein djebel à environ 80 kilomètres de la ville d'Oran. Le cadre se situe dans un épais maquis aux pieds d'une immense falaise. Les protagonistes de l'histoire sont deux traqueurs, un chasseur et Boby, le bon corniaud de la ferme, qui avait un flair dans la quête du sanglier à faire pâlir de jalousie les meilleurs beagles, griffons, fox-terriers et autres spécialistes à pedigree en béton.
Par une belle journée d'hiver comme seule l'Afrique du Nord peut nous en offrir, je décidai avec mes compagnons de chasse d'aller traquer la bête rousse, histoire de crapahuter dans ces lieux escarpés que dame civilisation a bien voulu épargner.
Pendant que mes amis traqueurs et le chien Boby se rendaient tranquillement à flanc de montagne pour démarrer la traque, je commençai mon escalade à travers un passage abrupt pour aller prendre un poste, connu de moi seul, et qui me permettrait presque à coup sûr de ne pas rentrer bredouille. L'extrémité de ce passage se terminait au pied d'un petit éperon rocheux qu'il fallait franchir à la force des bras.
C'est au moment précis du franchissement de cet obstacle naturel que ce qui devait être une paisible partie de chasse faillit se terminer en drame. Avant que je n'aie le temps de réaliser ce qui se passait, un sanglier m'arriva droit dessus. Mon arme étant déchargée, par mesure de sécurité, je subis de plein fouet la charge de la bête dont les intentions belliqueuses à mon égard ne faisaient aucun doute. En une fraction de seconde, je me trouvai cul par-dessus tête dans un épineux à environ 10 mètres en contrebas de l'éperon.
Vivant! J'étais vivant après une telle chute! Je remercie le ciel d'avoir fait pousser un arbuste à cet endroit car, malgré les lacérations, il était quand même beaucoup plus confortable que les rochers qui l'entouraient.
Après m'être extrait péniblement de cette position, je me mis en quête de retrouver mon fusil qui m'avait accompagné dans ce numéro de voltige. Je le vérifiai en toute hâte car au-dessous de moi, ça cassait du bois, signe évident que le sanglier ne voulait pas en rester là.
Après avoir constaté l'écrasement de mon canon inférieur, je m'empressai de mettre une balle dans le canon supérieur et fis face, prêt à toute éventualité.
Ce qui se passa ensuite est encore très présent dans ma mémoire et mes chairs en portent encore les traces. Le sanglier me chargea une seconde fois et, pour des raisons que je ne pus vérifier qu'après, le coup ne partit pas. Je me sentis propulsé en l'air comme un pantin désarticulé et une douleur très vive m'envahit tout le corps.
A cet instant précis, je compris que j'allais peut-être mourir car le sanglier s'acharnait sur moi avec une telle férocité que je n'avais d'autre ressource que de me protéger le ventre pour éviter une blessure fatale.
Soudain, au milieu de ce combat inégal, j'entendis des aboiements féroces; le sanglier se retourna contre ce nouvel ennemi et ce que je vis me laissa interloqué. Boby était là sur le dos de la bête et la mordait furieusement pour l'éloigner de moi. Par quel instinct avait-il compris que j'étais en danger alors qu'il aurait dû se trouver à plus de deux kilomètres de là, mystère!
La stratégie qu'il employait était surprenante, il attaquait le sanglier par derrière, l'obligeant à se retourner et rompait le combat dès que celui-ci chargeait. Il lui fit parcourir ainsi plus d'une vingtaine de mètres avant de le bloquer dans un épais buisson.
Le ferme* dura plus d'une demi-heure avant que les traqueurs n'arrivent et parviennent à abattre ce qui était devenu un fauve car les sangliers ne s'attaquent jamais à l'homme sauf quand la souffrance les rend fous.
C'était le cas pour celui-ci qui avait une très vilaine blessure en putréfaction au niveau de l'épaule droite, sans doute un collet en câble d'acier placé par les bergers et dont il avait pu se libérer.
En ce qui me concerne, cette partie de chasse se termina sur la table d'opération où l'on me fit plus de cent points de suture, sans anesthésie, la clinique étant en rupture de stock.
En écrivant ces quelques lignes, je pense encore à Boby qui me sauva la vie sans craindre pour la sienne.
Boby est mort quelques mois après, fauché par une voiture sur une petite départementale parce qu'il avait voulu, comme à l'accoutumée, me faire un brin de conduite en jappant derrière le 4x4.
* Sanglier bloqué par le ou les chiens
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