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Etienne Courbin

La biographie d'Etienne Courbin

Chapitre I.
Je grandis dans le djebel...

(Eveline Courbin)

Je suis né le 15 août 1906 à Saint-Denis-du-Sig dans la maison de ma grand-mère. Trois jours après ma naissance, ma mère retournait au grand barrage des Cheurfas où elle habitait avec mon père, mes frères et mes soeurs. C'est à cet endroit que je passais toute ma jeunesse, entouré de ma famille et des arabes qui vivaient près de nous et qui étaient nos amis.

La mère d'Etienne Courbin, Joséphine Garcia

Mon père, Jules Courbin est né à Bordeaux en 1850. Toutes ses origines viennent de Bordeaux, mais je n'ai pas connu sa famille. Son frère s'étant fait prêtre, mon père ne le supportait pas et quittait sa famille afin de s'embarquer pour l'Algérie en 1870. Dès son arrivée dans ce pays, il combattit l'Émir Abdelkader à Cacherou dans la région de Mascara. Lors de la bataille, mon père recevait une balle au genou,

- "(comme les fusils d'avant n'étaient pas les mêmes que ceux de maintenant, il ne devait pas avoir très mal...)"

Il a été tout de suite réformé, et partait pour Saint-Denis-du-Sig où il trouvait une place de mécanicien au grand barrage. Là, une très grande maison surplombait le barrage avec des dépendances et beaucoup de terrains incultes autours. La vue était splendide avec toutes les collines aux alentours, splendide et sauvage en même temps. Il n'y avait personne dans cette région si ce n'est quelques habitants autochtones qui vivaient dans des maisons de torchis ou dans des "rhaîmas" (sorte de tentes en couvertures de laine que les femmes tressaient elles-mêmes. C'était facile à démonter et à installer plus loin, là où ils trouvaient de l'herbe pour faire paître leurs troupeaux).

C'est à Saint-Denis-du-Sig que mon père connut ma mère, Joséphine Garcia, venue d'Espagne avec ses parents et sa famille. Il l'épousait et la ramenait au grand barrage. Ma mère ne parlait pas un mot de français. Mon père apprenait l'espagnol avec ma mère et l'arabe pour communiquer avec les gens du coin. Il parlait ces deux langues couramment.

Mes parents eurent onze enfants. Dans l'ordre, j'étais le dixième. Il y eu d'abord: Caroline, puis vinrent ensuite Julie, Louis, Marie, Charlotte, Alexandre, Anne, Isidore, Jules, moi-même et Henri.

Charlotte, Alexandre, Anne et Isidore sont morts très jeunes et je ne les ai pas connus. Charlotte est morte à l'âge de 14 ans. C'était disait on, une belle petite rouquine.

Le barrage des Cheurfas

Dans cette région des Cheurfas, je vous disais donc que nous étions les seuls Européens, si bien que mis à part mes frères et soeurs, mes compagnons de jeux n'étaient autres que les enfants arabes avec qui je m'entendais très bien. Dès mes premiers mots, j'apprenais le français avec mon père, l'espagnol avec ma mère, et l'arabe avec mes amis. Je grandissais à la campagne entouré de tout ce petit monde.

Dès l'âge de six ans, je commençais à aider un peu aux travaux de la ferme. Cette maison en pleine campagne, n'était en réalité qu'une grande ferme, si bien que mon père me faisait nettoyer les écuries, balayer la cour et m'avait chargé de la corvée d'eau journalière (tous petits, les enfants de cette époque étaient élevés à la "dure" et ne craignaient pas d'aider leurs parents). Pour nous, c'était un jeu en quelque sorte, on ne connaissait rien d'autre d'ailleurs. Mon père avait installé une très grande citerne près du barrage où il ramassait l'eau de pluie pour les besoins de la maison. Ma corvée consistait à charger un âne de deux barriques, de prendre un seau et un entonnoir et d'aller deux fois par jour avec l'âne, remplir les barriques à la citerne. Pendant ce temps, mon frère Jules que nous appelions Julot, aidait mon père dans son travail.

Lorsque j'avais 6 ans, un jour un espagnol et sa fille vinrent s'installer chez nous. Cet espagnol fabriquait des piquets de vigne avec des tamarins qui longeaient le barrage. C'était un excellent chasseur. C'est lui qui en quelque sorte me faisait découvrir le plaisir qui couvait en moi pour la chasse. Il m'amenait une fois avec lui de l'autre côté de la rivière, dans un endroit où il y avait beaucoup de perdreaux. Nous partions tous les deux mais ses cartouches ne valaient rien et l'on rentrait bredouille. Dès notre arrivée à la maison, il se mettait à fabriquer ses propres cartouches. On retournait sur les lieux de la chasse. Je me souviens qu'il avait tiré onze perdreaux et qu'il en avait tué onze. J'étais époustouflé. Je découvrais en même temps que j'aimais l'odeur de la poudre. Voyant cela, mon père m'achetait une carabine 6 millimètres et je m'amusais bien avec. Un peu plus tard il m'achetait une 9 millimètres et je commençais à chasser les petits oiseaux tels que les alouettes, les gros becs....

A 7 ans, je chassais avec le calibre 20 de mon père. L'été, les après-midi, lorsque j'avais terminé les travaux domestiques, je partais tout seul à la chasse. Je tuais les tourterelles, les lapins...

Toujours à cet âge-là, un jour, par un bel après-midi d'été très chaud, un ami de Boudjeba (douar qui se trouvait à peu près à 8 Km de chez nous), venait me chercher pour aller ramasser les pois chiches à la ferme Martinez. Ce jour là, mon père était absent et ma mère me donnait la permission d'y aller. Nous nous mettions en route tous les deux, il devait être vers les 3 heures de l'après-midi. Arrivés à la ferme Martinez, il n'y avait pas de place pour moi pour y passer la nuit. Il me fallait repartir chez moi tout seul et la nuit commençait à poindre. Je devais traverser des champs et des montagnes, je n'étais pas très rassuré. J'en informais la famille Martinez qui me refusait toujours l'hospitalité. Avant de repartir, mon ami Nouaille m'expliquait:

- "Prends cette piste, elle arrive droit à 3 kilomètres du barrage."

Je la prenais et arrivais dans un endroit où 3 ans avant, un chameau avait piétiné une française et l'avait tuée. Je devais aussi traverser un cimetière arabe. Des histoires macabres à ce sujet, alimentaient certaines veillées. Les enfants, à l'esprit primitif que nous étions, s'en targuaient:

- "Roula! Roula!..." (ce qui signifie: fantôme)

J'avais une sacrée trouille, mes cheveux se dressaient sur la tête. Je n'en menais pas large. A la nuit tombée, ma mère me vit débarquer à la maison, elle en restait complètement abasourdie, la pauvre. Elle ne comprenait pas pourquoi les Martinez ne m'avaient pas gardé pour la nuit, ni comment, si tard, ils m'avaient laissé repartir tout seul pour faire 8 Km dans le djebel.

Avec Julot, à cette époque là nous faisions du troque. On prenait 10 ou 15 Kg d'orge dans la remise et on partait au "rhanout" du coin (petite épicerie tenue par un arabe qui contenait juste quelques produits) qui se trouvait approximativement à 500 mètres de la maison, en contre bas, pour les changer contre des dattes, des cacahuètes, des juliennes (petits bonbons en sucre multicolores que les arabes mettaient dans le couscous). Nous partions manger tout ça, loin des curieux dans un champ d'orge, surtout à l'abri des regards de notre frère Louis, mon aîné de 15 ans, qui n'aimait pas du tout notre comportement.

Julot et moi aimions beaucoup faire des farces. On le taquinait sans cesse. Il n'appréciait pas. Un jour, après le repas, nous étions dans notre abri en train de faire cuire des fèves sur une taule, nous aimions tellement çà... Louis s'approchait de nous avec sa tête des mauvais jours. Nous prévoyons la fessée. Alors Julot ramassait une pierre et se faisait menaçant:

- "Si tu nous touches, tu la ramasses sur la tête..." Louis faisait demi-tour sans demander son reste.

Alors que nous étions tranquilles tous les deux, assis au milieu de notre champ, en train de manger nos cacahuètes, on entendait la corne de la maison. Ma mère nous cherchait, complètement affolée. Mon père était en train de se noyer dans le barrage. Il avait voulu monter sur sa barque et celle-ci avait chaviré. Heureusement que mon frère Louis se trouvait à proximité et, avec 3 ou 4 arabes, lui portaient secours.

Lors d'un repas en famille, Julot se levait sans demander la permission, et sans avoir terminé son repas. Ne comprenant pas pourquoi, cette fois, mon père ne réagissait pas, je disais tout haut:

- "Papa, Julot est sorti."

- "C'est vrai, va le chercher."

Quand Julot revenait, mon père le grondait sévèrement. Comme je riais et je sautais, j'eus le don d'énerver mon père davantage. Soudain, je réalisais que j'allais recevoir une bonne fessée. Je me sauvais dans la chambre et me cachais sous le lit. Mon père était grand et très fort, aussi, ne pouvant pas m'attraper, il renversait le lit et je recevais 9 coups d'espadrilles sur les fesses. Je les avais bien comptés, inutile de dire que ça piquait... Aussi, quand vint la mode des bottines à lacets, nous étions tous très contents. Vu le temps pour se déchausser, on pouvait être loin...

En 1913, alors que j'avais 7 ans, mon père avait acheté des cochons. Il avait engagé un arabe pour les garder. Mais quand, ce gardien s'absentait, c'était moi qui le remplaçais. Je n'allais pas à l'école mais je cherchais toujours à apprendre. J'aimais compter et aussi dessiner. J'apprenais tout seul. Un soir, lorsque les cochons rentraient dans la porcherie, je criais:

- "Il en manque un!"

- "Non, le compte y est."

Mon père, Julot et moi recommencions à compter. J'étais toujours persuadé qu'il en manquait un, eux insistaient à prouver le contraire. Nous allions rentrer à la maison quand on vit sur la route le cochon qui arrivait. J'étais fier d'être plus fort que mon frère aîné et que mon père pour compter les cochons...

Indépendamment des cochons et de son poste de gardien de barrage, mon père faisait tout pour gagner de l'argent. Il achetait et revendait l'alfa, il faisait du charbon de bois et le vendait, il faisait des piquets de vigne avec les tamarins et les vendait aussi. Il achetait aussi des boucs, il y en avait au moins six mille. Pour les garder, il fit venir six espagnols de Saint-Denis-du-Sig. Un été, tous les boucs sont morts d'une maladie. Pour aller vendre ses produits, il achetait 6 mulets. Louis s'en occupait. Il partait au Sig avec le chargement de mulets afin de vendre sa marchandise. A quelques kilomètres du barrage et en direction du Sig il y avait une grande côte. A cet endroit bien précis, il fallait toujours doubler l'équipage des mulets. Les voisins prêtaient leur équipage à mon père et vice et versa. Lors d'un voyage malheureux, le harnais d'une mule s'est cassé. Tout le chargement de charbon est tombé sur la mule, elle en est morte, la pauvre. Chaque fois que Louis allait au Sig vendre les chargements, il revenait avec des victuailles pour la maison et des bonbons pour les plus petits des enfants.

Cette même année, un garde forestier est venu habiter près de chez nous. Il s'appelait Monsieur Lambert. Je commençais à souffrir du paludisme. Au dispensaire du Sig, on m'avait donné des piqûres. C'était Monsieur Lambert qui venait me les faire. Un jour il me cassait l'aiguille dans la fesse. Il réussit à me la retirer à l'aide d'une pince. Aussi, l'année suivante quand commençaient les crises de paludisme, je refusais les piqûres et préférais les cachets. Chaque été pendant les crises de paludisme, j'étais exempte des corvées d'eau, je ne nettoyais plus les écuries ni les porcheries, et je ne balayais plus la cour, mais je continuais à acheter l'alfa pour mon père parce que j'étais le plus fort en calcul.

En l'absence de mon père, c'était moi qui allais, accompagné d'un arabe, payer l'alfa que mon père avait acheté à Boudjeba. Quand on pesait l'alfa, je m'arrangeais pour soustraire quelques kilos. En fin de journée, je gagnais 1 franc ou 2. J'étais drôlement malin. J'avais 9 ans à ce moment là. Lorsque j'eus 350 Francs en poche, je décidais de m'acheter une bicyclette. A ce moment là, venait au grand barrage un arabe du Sig qui se faisait appeler "Tota"; il était très gentil et racontait beaucoup d'histoires drôles. Mon père l'estimait bien et il nous amusait. Il faut dire qu'à cette époque, on ne riait pas souvent. Ce "Tota" aimait bien boire et venait quelques fois voir mon père pour vider quelques verres. Pour épater la galerie, il ramassait des figues de barbarie et sans les éplucher, les jetait en l'air et les rattrapait avec la bouche. L'idée me vint un jour de lui dire:

- "J'ai économisé 350 Francs et je vais m'acheter une bicyclette."

- "Tu es fou? Si ton père et ta mère apprennent que tu as 350 francs, tu vas prendre une bonne raclée. Donne moi l'argent, je vais te le garder."

Ce que je faisais et à mon grand désarroi, je ne revoyais jamais ni l'argent ni la bicyclette.

Un après-midi, après avoir terminé mes travaux de la ferme, je prenais le fusil calibre 20 de mon père et je partais tout seul chasser dans la plaine. En jetant une pierre dans un olivier, un perdreau s'envolait. Je le tirais au vol et je le tuais net. Je n'avais que 9 ans et fou de joie je retournais à la maison en courant:

- "Papa, papa, je viens de tuer ce perdreau au vol..."

- "Bravo, mon fils."

Étonné, mon père se grattait la tête.

- "Demain après-midi, nous irons chasser ensemble, tu veux?"

- "Oh, oui, papa..."

Le moment venu, nous prenions chacun nos fusils et nous voilà partis. Soudain 2 perdreaux s'envolent.

- "Prends celui de droite, je prendrai celui de gauche", criait mon père.

Il loupait le sien et je tuais le mien. Mon père était très fier de moi, il me prit dans ses bras et m'embrassa. Le lendemain, il se rendait au Sig et m'achetait mon premier calibre 12. Je n'avais que 9 ans et le fusil était plus grand et plus lourd que moi. Mon père s'en inquiétait et fit venir Abdellah pour me porter le fusil et pour me surveiller. Ce même Abdellah devenait plus tard mon ami et mon homme de confiance.

Plus tard, mon père recevait de Sidi-Bel-Abbès, des amis qui venaient chasser les canards. Ils avaient laissé leur voiture sur la route en contre bas. Je m'apercevais que des petits arabes touchaient à la voiture.

- "Julot, Julot regarde, des enfants sont montés dans la voiture..."

Trop tard. Ils avaient desserré le frein à main et la voiture partait s'écraser 150 mètres plus bas contre un mur. Elle était bien accidentée. Julot et moi sonnions avec la corne pour appeler les chasseurs. La voiture était hors d'état de marche et les chasseurs passaient la nuit à la maison. Le lendemain, 2 belles voitures arrivaient. Une pour remorquer la voiture accidentée et l'autre pour les chasseurs. Les chauffeurs nous avaient apporté un casier de poissons, fort apprécié dans le djebel.

C'était l'époque où, mon frère Louis, en accord avec mon père nous quittait, je n'avais alors que 10 ans. Il allait vivre sa vie et avait loué une propriété au lieu dit "Sidi Ahmed" sur la route de Mercier Lacombe. Il cultivait les terres et avait lui aussi un troupeau de cochons.

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